samedi 30 janvier 2010

Petite suite des heures, Dominique Sorrente




Présence du rouge provençal
(...)
Observatoire des couleurs,

(Les outils sont posés sur la tomette. Présences rouges demandant d'être dévoilées en toute tranquillité.)
Un instant, la percée ferme, la conviction du mercure.
Puis le parcours de la mémoire parmi les canalisations qui sont comme le système des veines. Et l'enlèvement de ce jour sinueux que n'attend aucune marée.
Quelque chose clouée, image de minuit sur la paroi. Comment dire ce qui s'est éclairé imperceptiblement comme la justesse du coeur à son voyage?
Dans la fable, les trois oiseaux désigneraient l'esprit attaché aux lieux quand les pas n'ont plus besoin de résonner.

Un jour, s'installer dans l'absence régnante d'un fruit à sa corbeille. Puis redevenir l'amoureux des passages, scènes de chasse dessinées où la paroi tourmente le chasseur jusqu'à le détourner de son geste.

Petite suite des heures, Dominique Sorrente, Cheyne éditeur

vendredi 29 janvier 2010

L'espoir, Dino Campana


L'espoir
(sur le torrent nocturne)
Pour l'amour des poètes
Princesse des rêves secrets
Dans les ailes des pensées vivantes, reprends
reprends encore
Princesse, chacun de tes chants:
O toi, à la chevelure de chants muets
Pâle amour des errants
Etouffe les sanglots incessants
Donne une trêve aux amours secrètes:
Qui veille aux portes
Taciturnes que la nuit
A ouvertes sur l'infini?
Ploient les heures, avec le rêve évanoui
Ploie le pâle Destin...................................
Pour L'amour des poètes, portes
ouvertes de la mort
sur l'Infini!
Pour l'amour des poètes
Princesse mon rêve évanoui
Dans les gouffres du Destin!

Dino Campana, Chants Orphiques, Allia éditeur.








Dino Campana

mercredi 27 janvier 2010

Une saison froide, Farrokhzad (poète iranienne 1934-1967)


"J'ai froid
J'ai froid à tout jamais
O ami, unique ami
"Mais ce vin-là datait de quand?"
regarde comme le temps est lourd ici
Regarde comme les poissons mangent ma chair
Pourquoi me maintiens-tu au fond des mers?

J'ai froid et je déteste les boucles d'oreille en perle
J'ai froid
Et je sais qu'il ne restera que quelques gouttes de sang
De tous les fantasmes rouges un petit pavot."

Farrokhzad, Une saison froide, Arfuyen

Le petit livre de Qo, Dominique Sorrente




Qo parle, mais le plus souvent, disparaît.
Il revient des longs paysages du temps, des bouts de haine qui insistent, du deuil à la façon des fleurs séchées, de l'aile fendue d'un oiseau.

Un jour vient où Qo interroge l'amour que vous portez en vous.

Mais pour l'instant, rien à signaler.

extrait du Petit Livre de Qo, II, Te nommer, Dominique Sorrente, Cheyne éditeur

lundi 25 janvier 2010

Une petite fille silencieuse, James Sacré




Parler de mourir et d'aimer pour un dernier mouvement d'écriture:
Quelque chose va quand même s'écrouler,
dans le silence ou n'importe quoi, voilà
Chacun s'en va vie quotidienne partout
Les mots ne sont qu'un bruit de plaisir vivant.
Mais le verbe aimer? T'entendre et te parler encore dans ce bruit
futile du temps. T'entendre?



Une petite fille silencieuse, James Sacré, André Dimanche éditeur

mercredi 20 janvier 2010

Jardins, de Marielle Anselmo


gravure Laurence Arzel-Nadal

il y eut
le feu
à la langue

mais alors
ce fut un feu très doux
qui courait sous la langue

un amour très doux
qui rampait sous la cendre

un doux feu de langue

qui n'avait

ni nom ni lieu
ni mots où se poser

extrait de Jardins de Marielle Anselmo, Tarabuste 2009

jeudi 14 janvier 2010

Le pays de haute mer, de Joseph Pacini


Au signe minéral la morsure du gel
Partage le rocher une tache de sang
Fredonne un chant d'amour
Dans ce gouffre d'espoir que révèle la vie

Au signe végétal l'arbre l'herbe
Et les fleurs dans le pré
Fleuve qui va se joindre
Comme la voie lactée dans le noir de la nuit

Le pays de haute mer, Joseph Pacini, éditions Jacques Brémond, 1988

lundi 11 janvier 2010

Lo sconosciuto/l'inconnu d'Aldo Palazzeschi

PHOTO F.R.
 Lo sconosciuto/l'inconnu

L'hai veduto passare stasera?
L'ho visto.
Lo vedesti ieri sera?
Lo vidi, lo vedo ogni sera.
Ti guarda?
Non guarda da lato, 
soltanto egli guarda laggiù,
laggiù dove il cielo incomincia
e finisce la terra, laggiù
nella riga di luce
che lascia il tramonto.
E dopo il tramonto egli passa.
Solo?
Solo.
Vestito?
Di nero, é sempre vestito di nero.
Ma dove si sosta?
A quale capanna?
A quale palazzo?

Ce soir, tu l'as vu passer?
Je l'ai vu, moi.
Tu l'as vu hier soir?
Je l'ai vu, je le vois chaque soir.
Il t'a regardé?
Il ne regarde pas de côté,
il regarde seulement vers le bas,
là où le soleil naît et où finit
la terre, vers le bas et cette ligne
de lumière
que laisse le coucher de soleil.
Et après il passe.
Seul?
Seul.
Habillé?
De noir, toujours.
Mais où s'arrête-t-il?
Dans quelle maisonnette?
Dans quel palais?

vendredi 8 janvier 2010

la voix des hommes/la voix des femmes


La voix DES HOMMES

 

 

LA VOIX DES FEMMES

 

 

 

 

non pas bouquet

pas même floraison tardive

difficile à retenir dans les bras

non juste l’envie d’extraire

la rose de son désert

 

la voix des hommes

 

 

 

les yeux jeunes et bleus

et la bouche parfaite

et le nez aussi

mais sans la voix

 

pour le reste : effondrement


la voix des femmes 



inédit, SD

mardi 5 janvier 2010

UNGARETTI, pour commencer l'année...


Giuseppe Ungaretti, In memoria

 

 

Si chiamava

Moammed Sceab

 

Discendente

di emiri di nomadi

suicida

perché non aveva più

Patria

 

Amo la Francia

e muto nome

 

Fu Marcel

ma non era Francese

e non sapeva più

vivere

nella tenda dei suoi

dove si ascolta la cantilena

del Corano

gustando un caffè

 

E non sapeva

sciogliere

il canto

del suo abbandono

 

L’ho accompagnato

insieme alla padrona dell’albergo

dove abitavamo

a Parigi

dal numero 5 della rue des Carmes

appassito vicolo in discesa

 

Riposa

nel camposanto d’Ivry

sobborgo che pare

sempre

in une giornata

di una

decomposta fiera

 

E forse io solo

so ancora

che visse

 

 

Il s’appelait

Mohamed Sceab

 

Descendant d’émirs

et de nomades

il s’est suicidé

parce que il n’avait plus

de Patrie

 

Il aimait la France

et changea de nom

 

Il devint Marcel

mais n’était pas français

et ne savait plus comment

vivre

sous la tente des siens

où s’écoute la cantilène

du Coran

en buvant du café

 

Et il n’a pas su

éloigner

le chant

de son abandon

 

Je l’ai accompagné

avec la patronne de l’hôtel

où nous habitions

à Paris

au numéro 5 de la rue des Carmes

misérable ruelle en pente

 

Il repose

au cimetière d’Ivry

banlieue qui semble

toujours

au lendemain

d’une fête ratée

 

Et peut-être suis-je

le dernier

à savoir

qu’il a vécu

traduction SD 

dimanche 3 janvier 2010

Que la poésie continue à ouvrir dans la nuit des silences de lumière!

Malgré la tempête, une année s'ouvre et la petite Librairie souhaite à tous qu'elle soit riche en projets et aventures!