vendredi 7 mai 2010

Ruines encore


"...Jack vivait au milieu des ruines, au milieu de choses délaissées, remplacées par d'autres. Mais cette façon de voir ne me vint que plus tard, elle s'est imposée avec plus de force à présent, à mesure que j'écris. Ce n'est pas l'impression que j'avais eue la première fois que j'y étais allé me promener.
  L'impression de ruine et de déréliction, de déphasage, je la ressentais pour moi-même, liée à moi-même: un homme originaire d'une autre partie du monde, d'un tout autre contexte, venu chercher le repos à mi-course de sa vie dans le pavillon d'un domaine à moitié abandonné, un domaine plein de souvenirs d'un passé début de siècle, à peine rattaché au présent. Une anomalie parmi les domaines et grandes demeures de la vallée, et moi je constituais une anomalie de plus dans son enceinte. Je me sentais sans ancrage, étranger. Tout ce que je voyais durant cette première période, alors que je m'initiais à mon environnement, tout ce que je voyais lors de ma promenade quotidienne,  au long de rideaux d'arbres ou du large chemin herbeux contribuait à aiguiser ce sentiment. Ma propre présence dans cette vallée antique me semblait faire partie d'une sorte de séisme, un bouleversement du cours de l'histoire nationale."
V.S. Naipaul, L'énigme de l'arrivée, Bourgeois ed.

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