lundi 27 décembre 2010

America solitudes, James Sacré


Puis le vent n'est plus là, le ciel devenu très clair
A perdu la chaleur du jour.
Entre le froid et l'aboiement des chiens
On a mal au genou, ou c'est l'épaule
On dort à la fois dans le bruit des camions sur l'autoroute
Et dans l'immensité de la nuit secrète et devenue
tranquille.

On n'emporte que des mots, des mots

James Sacré, America solitudes, André Dimanche éditeur, 2010

dimanche 26 décembre 2010

Pour fêter une fin d'année, La rose de Jean Follain


L'argile une rose l'adore
disait l'homme blond
dans le train qui allait
au long des plaines grises
mais ne lui donnez pas à la rose
surtout de fumier.
Ah! le jardinier
est bon pour le courage.
Quand dehors je mange
les fleurs me ravissent toujours
la femme restant près de moi
sous le pommier tors.
Territoires, Jean Follain, nrf Gallimard

mardi 21 décembre 2010

Henry Miller, Le colosse de Maroussi, relu à Marseille


Vivre de façon créatrice, je m'en suis aperçu, signifie vivre de façon de plus en plus désintéressée; vivre en s'enfonçant de plus en plus dans le monde, s'identifiant à lui et l'imprégnant jusqu'au coeur, pour ainsi dire, de notre influence. L'art, comme la religion, me semble-t-il aujourd'hui, n'est qu'une préparation, une initiation à la vraie façon de vivre. le but, c'est la délivrance, la liberté: autrement dit: la prise en charge d'une responsabilité plus grande.

Henry Miller, le colosse de Maroussi

vendredi 17 décembre 2010

Le renard, Jean Follain, toujours


Dans nos nuits parfois rôde un renard
qui sur la terre dormante
cherche un vivre hasardeux
frôlant la feuille sucrée,
et d'un long rêve de rapines
d'enfance et de honte
empli pourtant des mystères du pain chaud
et du feu ardent des chaumières
l'on s'éveille la gorge altérée.

Jean Follain, Poèmes et prose choisis, Gallimard , 1961

mardi 14 décembre 2010

La pomme rouge, JEAN FOLLAIN, poèmes et prose choisis, 1961


La pomme rouge

Le Tintoret peignit sa fille morte
il passait des voitures au loin
le peintre est mort à son tour
de longs rails aujourd'hui
corsettent la terre
et la cisèlent
la Renaissance résiste
dans le clair-obscur des musées
les voix se muent
souvent même le silence
est comme épuisé
mais la pomme rouge demeure.

lundi 13 décembre 2010

Et voilà nous refermons les portes de la Petite Librairie, à l'année prochaine...dit le vent !


A la Petite Librairie samedi 11 et dimanche 12 décembre, il y avait Pierre Présumey


Il y avait aussi Jean-Christophe Belleveaux, Sophie G. Lucas, Daniel Labedan:
mais aussi Anne-Lise Blanchard et tant d'autres que je n'ai su prendre en photo, comme Anne Belleveaux, Hervé Bougel, Caroline Gérard...et merci, merci aux amis, amis, amis!

vendredi 10 décembre 2010

Demain la Petite Librairie ouvre ses portes!



Avec des poètes: JC Belleveaux, Pierre Présumey, Anne-Lise Blanchard, Sophie G. Lucas, Daniel Labedan, Hervé Bougel, Sylvie Durbec,
des éditeurs: Anne Belleveaux (Potentille), H.Bougel (Pré carré), Caroline Gérard ( Cousumain) Daniel Labedan (Etats-Civils), Véronique Agostini (Les Aresquiers),
des artistes : Novitz, Tillberg, Brendel, Calamusa, Delafont, Lehtinen, Rolland-Bellagamba, Leclerc, Agostini, etc...



VENEZ NOMBREUX VOIR, ENTENDRE, ECOUTER, GOÛTER aux NOURRITURES CELESTES ET TERRESTRES qu'ils nous proposeront!

mercredi 8 décembre 2010

A Boulbon, le 11 & 12 décembre, Anne-Lise Blanchard, le jour se tait...


Un dimanche passé
j'ai juste oublié
son commencement
sans doute très agréable

Consentir
à mourir encore un peu

A-L. Blanchard, Le jour se tait, Jacques André éditeur

mardi 7 décembre 2010

Daniel Labedan samedi et dimanche 11&12 décembre à Boulbon!


Shopping!Bang Bang!

En résidence

Dans le pré qui s'étend devant le mobil-home
Pam relit un roman sentimental allongée sur une large toile rouge
voilà où elle aimerait vivre avec Marin en définitive
avec des collines bleutées en arrière-plan

de préférence dans les premières pages
quand le sujet est encore incertain
et que personne ne peut deviner
où mènera l'histoire

D.Labedan & JM Flahaut, Shopping Bang Bang, A plys d'un titre éditions

dimanche 5 décembre 2010

Sophie G.Lucas samedi 11 décembre à Boulbon



depuis des heures on

dit

qu'il faudrait débarrasser

la table mais on ne se lève pas

on plante un couteau

dans des peaux d'oranges

on fait des trous dans

la conversation

on raye le fond des

assiettes


on tue les vieux jours


Sophie G.Lucas, On est les gens,

A Boulbon, le 11 & 12 décembre, Pierre Présumey


Le grand garçon s'élève au-dessus des sapins.
Il offre son sourire et ses épaules larges.
Le ciel et les nuages se laissent traverser;
Le grand garçon s'empare de l'espace.

Le grand garçon meurt en silence.
Le ciel a repris la place
Qu'il lui avait donnée.

Le grand garçon s'élève au-dessus des sapins.
La nuit ne le retient plus contre elle,
Le ciel se laisse traverser par lui,
Son enjambée bientôt passera la vallée.

Pierre Présumey, Le Grand Garçon, pré carré éditeur

vendredi 3 décembre 2010

A BOULBON (13) LE 11 ET 12 DECEMBRE 2010



Et voilà le plan pour ceux qui doutent de trouver l'adresse!

à Boulbon, le 11 & 12 décembre, Jean-Christophe Belleveaux,



neige, premier mot de l'année
portulans de l'angoisse
- navire au départ nonobstant,
toute la grande agitation de l'écume,
des cris sur les quais, des docks
enfiévrés de contrebande:
la vie essentielle, le Réel maquillé, l'artifice:
le film commence

au soir je fume à l'entrée du pavillon,
dans l'air gelé
sous video surveillance

puis je progresse
dans l'atmosphère grasse, huileuse,
jusqu'à ma chambre,
tel un scaphandrier

J-C Belleveaux, CHS, Contre-allées

mercredi 1 décembre 2010


Poème d’anniversaire.

Pour Bernard Noël

S’il y avait juste un mot à dire,
rien qu’un mot, au centre des rayons
du pneu de la pensée,

là où ça circule avec une densité
de ruche la nuit, d’orchestre
avant le premier bruit,

s’il y avait un mot divisé en deux, main
tenant moins que l’avenir, plus
que le souvenir,

ici je te l’ouvrirais, je te l’ouvre,
paume de résonance, ce jour
des débuts.
Denis Hirson

lundi 29 novembre 2010

LA PETITE LIBRAIRIE ROUVRIRA SES PORTES LE 11 ET 12 DECEMBRE 2010


LA PETITE LIBRAIRIE ROUVRIRA SES PORTES LE 11 ET 12 DECEMBRE 2010

à 14 heures le samedi et dès 10.30 heures le dimanche


samedi : 14 heures Baz’art : en présence de nombreux artistes (Agostini, Brendel, Rolland, Leclerc, Novitz, Lehtinen, Tillberg et d’autres) venus proposer leurs oeuvres à des prix aussi doux que la neige en hiver, de la littérature jeunesse et d’éditeurs tels que Véronique Agostini (Editions des Aresquiers), Anne Belleveaux (Potentille), Hervé Bougel (pré carré), Caroline Gérard (Cousumain), Daniel Labedan (Etats-Civils),

lecture des poètes à 17 heures

Sophie G.Lucas, Pierre Présumey, JeanChristophe Belleveaux, AnneLise Blanchard

20 heures : on ferme !

dimanche : ouverture de 10h30 à 12 h: baz’art, littérature jeunesse et poésie

Attention : on ferme à midi et on rouvre à 14 heures *

lecture à 15.30

Pierre Présumey, Jean-Christophe Belleveaux, Daniel Labedan et Anne-Lise Blanchard

Apéritif, puis rangement et fermeture à 20 heures !


* Possibilité de manger au café du commerce à condition de retenir avant le mercredi 8-XII en téléphonant à Sylvie D. au 04 90 43 94 82 ou au 06 26 41 70 42

vendredi 26 novembre 2010

Kay Borowski traduit par Marie Paule Richard à l'Atelier du Hanneton!


dem Morgen
entgegen
à la rencontre du matin

Des oiseaux dans l'arbre: beauté
de l'instant éphémère
au coeur de ce qui s'enracine,
de ce qui dure.
Lorsque nous aussi sautillons
à travers les ramures de nos pensées
les lettres gazouilllent en bleu.


Dans le bourdonnement
de milliers d'abeilles inconscientes
la conscience que mortel,
le mot est beau.

Kay Borowski, à la rencontre du matin, Atelier du Hanneton

Voir le bel article de Michel Passelergue dans Europe de novembre-décembre 2010

jeudi 25 novembre 2010

Voyage avec Bernard Manciet et James Sacré


Lire.
Découvrir.
D'une Amérique à l'autre.
D'une langue à l'autre.
Deux livres. Deux voix et des voyages d'hiver et d'été.
A faire, refaire, encore.


mardi 23 novembre 2010

Connaissez-vous le trésor d'olivier larrizza de Jean-Paul Klée, à lire, de toute urgence


chimérique soirée

alors le soir se préparait à fer
sur les toitures là-bas une broderie
dorée rose thé qui blondissait le
haut frontal des maisons & l'Oasis mer
veilleusement miroitait dans le vitrage des
balcons vérandas le plus pur éblouï
ssement qu'on aurait jamais eü dans
l'ici-bas Depêche-toi d'arriver sur les
remparts dü haut desquels ton oeil
jubilera Non c'est déjà le noir & bleu pâliss
ant (le soleil s'est flingué
derrière les monts) & si l'auto m'y conduisait
je n'y verrais qu'obscüri
té lampes allumées L'autre nuit à
mulhouse le froid descendit jusqu'à
moins 17 Pauvres gens (...)

Jean-Paul Klée, trésor d'olivier larizza, éd. des Vanneaux

lundi 22 novembre 2010

Entre les roses de Saâdi et Adalbert Stifter, en revenant de Strasbourg


"N'aime que ce qui peut t'emporter, un cheval, un navire..."
"Quoi de surprenant si la voix manque au rossignol qui a un corbeau pour compagnon de captivité?"
"Ne t'enorgueillis pas du succès qu'a eu ton discours. Pense au nombre d'ignorants qui se trouvent dans toute assemblée."
Saâdi

"On peut contourner le lac par la gauche de l'à-pic et descendre sur la rive opposée qui est plate, mais son accès parmi les pierriers, les troncs pourrissants, les fougères, les ronces et tant d'autres broussailes est des plus ardus. Ceux qui viennent au lac depuis la vallée de la Moldau de l'est sur cette rive. L'après-midi, on y a la plus belle vue sur la paroi qui domine le lac dans l'ombre, elle semble frissonner sous un voile. J'ai eu bien souvent le loisir de savourer l'une et l'autre vue, celle d'en haut comme celle d'en bas, et je ne sais laquelle préférer.
Du lac, par un autre chemin, on descend aisément en deux heures jusqu'à la maison Rosenberger."
Adalbert Stifter, Dans la forêt de Bavière, premières pierres éd.

vendredi 19 novembre 2010

Cai Tian Xin, traduit par Anne-marie Soulier, Dans l'Océan du monde


J'erre dans la mer colorée des humains,
feuille emportée par un ruisseau dans la forêt.

Tout se trouve dans l'eau, tout se trouve dans l'eau.
Le temps lui-même se retourne comme la proue d'un navire

suivant sa route sinueuse.
Une maison aux piliers blancs se dresse sur la rive.

Une colombe sauvage déchire la paix du ciel.
Au loin le violet saturé des collines.

recueil publié à l'Oreille du loup

jeudi 18 novembre 2010

lecture/rencontre de Sylvie Durbec à Strasbourg le 20 novembre, librairie Kléber à 11 heures


Infos et réservations au 03 88 15 78 88


mercredi 17 novembre 2010

LA PETITE LIBRAIRIE ROUVRIRA SES PORTES LE 11 ET 12 DECEMBRE


LA PETITE LIBRAIRIE ROUVRIRA SES PORTES LE 11 ET 12 DECEMBRE

2010 à 15 heures le samedi et dès 11 heures le dimanche

retenez ces dates !

programme détaillé prochainement


avec un très beau programme : Baz’art, littérature jeunesse et poésie

en présence de poètes et éditeurs

tels que Hervé Bougel, Sophie G.Lucas, Pierre Présumey, Daniel Labedan,

Anne et Jean‐Christophe Belleveaux, Véronique Agostini, Anne‐Lise Blanchard

et de nombreux artistes plasticiens venus vous proposer leurs oeuvres à

des prix aussi doux que la neige en Provence...

mardi 16 novembre 2010

LIVRE des ESQUISSES, Jack Kerouac


Maquiller la mort
prit des années; C. revint
faible, blême, nerveuse;
ramena des douleurs nerveuses avec
son frêle & minuscule enfant;

les mois passèrent - un
des chiens de chasse mourut de
la danse de Saint-Guy -
dans la boue- Seul
le vieux Bob survécut, assis
à attendre son maître
dans les crépuscules gris -
L'automne vint, l'hiver
déposa un tapis de neige d'un pouce
d'épaisseur, le printemps
exalta l'odeur puissante
& sucrée des pins, l'été
envoya sa grande brume de chaleur
percer un trou à travers
les nuages & dissiper
les vapeurs de la terre
féconde - la terre perdue -
La Compagnie transféra
Paul d'une ville à
l'autre - Kinston -
Tarboro - Henderson -
(le berceau de sa famille)-
retour à Kinston-
Rocky MT. (...)

Jack Kerouac, Livre des esquisses, La table ronde, 2010

dimanche 14 novembre 2010

Quelques lettres des saisons, Yves_Jacques Bouin



Dans ma lettre d'été bouge l'arrogance régnante d'un orage d'août.
(...)
Ma lettre d'automne est une halte d'octobre, le souvenir d'un fruit mordu de part et d'autre, quand deux bouches s'attardent aux lents parfums des promesses.
(...)
Ma lettre d'hiver est jeune des premières audaces de janvier.
(...)
Ma lettre de printemps s'ouvre sur un jour de mai comme une plaie qui ne peut se refermer.
(...)
Yves-Jacques Bouin, Le soleil insite, Fer de chance éditeur

vendredi 12 novembre 2010

Et puis si calme...



Et puis si calme devant la nuit

surgit le cerf aux bois immenses

qui disparaît dans le sombre du soir

où personne ne le retrouve


Nous sommes les blessés du chemin

dans sa course lente vers demain

nous continuons à scruter les bois

et nous abandonner au vent froid


De la forêt de Mers/Indre, ce soir, SD

mercredi 10 novembre 2010

Journal d'absence, Jacques Josse


(...)
Quatorze jours durant, errant, présent pour personne, sauf pour la disparue, il s'est contenté d'endosser l'habit du guetteur à distance.

Maintenant il doit rebrousser chemin. Il va du casino au port. Devine l'îlot de La Mauve et Le Gerbot d'avoine pris dans une tourmente grise et glaciale. Traversant la plage de la Comtesse à marée basse, il se remémore un autre dimanche où, effectuant la même balade, il avait aperçu une jeune femme brune, en imper blanc et parapluie rouge, immobile devant l'océan. La veille, Paul Vatine qui avait l'habitude d'amarrer son bateau ici même, était tombé à la mer, avalé, emporté par une vague, au large des Açores. Dans son esprit, la présence de cette inconnue à l'air grave, la disparition du marin, celle de la petite partie mourir dans les bois, se trouvent liées.
(...)
Jacques Josse, Journal d'absence, Apogée éditeur

lundi 1 novembre 2010

Gustave Roud, ce matin avant de filer vers la Bretagne et Quimper:


"Sentiment d'être cerné par ceux qui peuvent - et moi je ne peux pas comme eux, je tâte mes biens noués dans un petit mouchoir sans cesse plus réduit."

Journal, 28 août 1960

vendredi 29 octobre 2010

Vincent Van Gogh


1890

Le travail allait bien, la dernière toile des branches en fleurs, c'était peut-être ce que j'avais fait le plus patiemment et le mieux, peint avec calme et une sûreté de touche plus grande. Et le lendemain fichu comme une brute.
Je considère cela comme un naufrage.
Je désire profiter de cette période pour changer: je veux changer dans tous les cas, mon désir de partir d'ici est maintenant absolu. Ma patience est à bout, je n'en peux plus, il faut changer, même pour un pis-aller.
Entre quatre murs, on n'apprend que difficilement quelque chose de bon, cela se comprend, mais cependant est-il vrai qu'il y a des personnes qu'on ne peut pas non plus laisser en liberté comme s'ils n'avaient rien? Si dans quelque temps le mal revenait, ce serait prévu et selon la gravité nous pourrions voir si je peux continuer en liberté ou bien s'il faut se caser dans une maison de santé pour de bon.

samedi 23 octobre 2010

la huppe de Virginia, éditions des Aresquiers




La Huppe de Virginia verra le jour pour la première fois à Marseille le 30 octobre au salon du Livre d'artiste...et je m'en réjouis avec Véronique Agostini, maître d'oeuvre du projet!

mercredi 20 octobre 2010

Jeu et théorie du Duende, FG Lorca


Dedans le jardin

sera ma fin.

Dedans les rosiers

on va me tuer.

Pour cueillir, ma mère,

la rose, je vins,

je trouvai la mort

dans le jardin.

Pour couper, ma mère,

la rose j’allai,

je trouvai la mort

dedans les rosiers.

Dedans le jardin

sera ma fin.

Dedans les rosiers,

on va me tuer.

(…)

Par l’idée, par le son, ou des mimiques, le duende aime à être au bord du puits dans une lutte franche avec celui qui crée. L’ange ou la muse s’échappent avec un violon ou un compas, mais le duende vous blesse et c’est dans la guérison de  cette blessure qui ne se ferme jamais que setrouve ce qu’il y a d’insolite, d’inventé dans l’œuvre d’un homme.

La vertu magique d’un poème consiste à être toujours chargé de duende pour baptiser d’eau sombre tous ceux qui le regardent…

JEU ET THEORIE DU DUENDE, Federico Garcia Lorca

mardi 19 octobre 2010

La mer, la mère, le LIvre du Fils, C.L.Combet


Le sexe de l'amante s'était détaché du sexe de la mère, comme on a vu, en des temps fabuleux, des chapelets d'îles larguer leur continent matriciel et gagner le large des océans, chaque île bien fendue, chaque île crêpelue, chaque île farfouillue et l'amante en tête, capitale. Capitale de mon désir, songeait le fils, et capitale de mon avenir, femme à la proue.

Claude-Louis Combet, Le Livre du fils, Corti, 2010

vendredi 15 octobre 2010

Marseille, encore, Supervielle, Débarcadères, 1927


 Marseille », Débarcadères, 1927.

 

Marseille sortie de la mer, avec ses poissons de roche ses coquillages et l’iode,
Et ses mâts en pleine ville qui disputent les passants,
Ses tramways avec leurs pattes de crustacés sont luisants d’eau marine,
Le beau rendez-vous de vivants qui lèvent le bras comme pour se partager le ciel,
Et les cafés enfantent sur le trottoir hommes et femmes de maintenant avec leurs yeux de phosphore ,
Leurs verres, leurs tasses, leurs seaux à glace et leurs alcools,
Et cela fait un bruit de pieds et de chaises frétillantes.
Ici le soleil pense tout haut, c’est une grande lumière qui se mêle à la conversation,
Et réjouit la gorge des femmes comme celle des torrents dans la montagne,
Il prend les nouveaux venus à partie, les bouscule un peu dans la rue,
Et les pousse sans un mot du côté des jolies filles.
Et la lune est un singe échappé au baluchon d’un marin
Qui vous regarde à travers les barreaux légers de la nuit.
Marseille, écoute-moi, je t’en prie, sois attentive,
Je voudrais te prendre dans un coin, te parler avec douceur,
Reste donc un peu tranquille que nous nous regardions un peu
O toi toujours en partance
Et qui ne peux t’en aller
A cause de toutes ces ancres qui te mordillent sous la mer.

 

 

 

La Poésie à Marseille du 16 au 19 octobre, mais aussi tout le reste de l'année...

gravure de Veronique Agostini

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mercredi 13 octobre 2010

Tentatives nuageuses/tentation des nuages


 

Tentatives nuageuses

 

   Il fait souvent des « tentatives nuageuses », comme il les définit lui-même. Il se met à la fenêtre, se soulève sur la pointe des pieds, allonge le cou, ferme les yeux, puis, doucement, commence à balancer la tête. Jusqu’à ce que tout le corps oscille. Sa mère lui ordonne en hurlant de retourner à ses devoirs. Le beau-père s’isole dans sa chambre. Son frère ricane. Mais lui, obstiné, continue ses « tentatives nuageuses ». Aux psychologues qui l’interrogent à propos de son enfance, il répond en riant : « Moi ? Jamais eu d’enfance. Ces deux hommes et cette femme qui me persécutent, ils en ont eu une. Moi non. Je suis léger. Très léger. »

Ames inquiètes, M. Ercolani, L. Frisa, traduit de l'italien

 

 

 

 

 

mardi 12 octobre 2010

Mineur, un poème de Belem


Mineur
 
De la terre
il en connaît les boyaux
Il a rampé dans son ventre
s'est collé
frotté
cogné
aux parois dures ou tendres
Front
nez
menton
tout ce qui dépasse
s'est mis à plat ventre
est passé à la presse
n'en reste
que peau
feuille
jaunie
écrasée
lacérée
Seuls
brillent deux grands yeux de chouette
cernés de charbon
Deux yeux à la grande vailllance
aiguisés à la lame du noir
Deux yeux en cristal
se brisant
d'une raie
de lumière
 
Bélem le 21 juin 2010
 
pour les mineurs là-bas dedans la mine
 

samedi 9 octobre 2010

EST MORTE, Gertrude Stein, texte trouvé dans une revue suisse, LETTRES, de 1944


EST MORTE, Gertrude Stein

Un hôtel à la campagne n'a pas le même aspect qu'un hôtel dans une ville mais il l'a dans une petite ville. Ils allèrent tous à 'enterrement. Ils passèrent auprès du corps, ils baisèrent le crucifix, ils reçurent des bouffées d'encens et s'approchèrent de là où tous les cinq, peut-être davantage, se tenaient debout. Ce n'était pas si terrible.
Ils trouvèrent naturel qu'elle mourût. Elle tomba dans la cour sur le trottoir de ciment et se cassa les reins mais ne mourut point et ne sut pourquoi. Cinq jours après elle était morte.
Comprenez-vous ce que je dis.
(...)

jeudi 7 octobre 2010

Puisque beauté, il y a, Nathalie Riera et ce tableau, là, devant moi, d'Henri Darrasse,


Ce que j'aime entendre d'un poème : des notes d'air et de basalte; des désirs de disculpations, des virevoltes de danseurs; des déserts de cailloux; notes noires et blanches de nos joies.
N.Riera, Puisque beauté il y a, Lanskine, 2010


mercredi 6 octobre 2010

Pour Paul Nizon, la fourrure de la truite


...Les bagages, image de l'épuisement. Le jour baissait derrière la fenêtre. Il me semblait que la lumière déclinait par à-coups, et je me pris à pense : Et si ce n'était pas le jour, mais ma vue qui baissait? Déjà je me voyais, les mains tendues, tâtonner vers la sortie, et, dehors, fourrager dans l'air à la recherche de la rampe. Et appeler à l'aide. et si mon coeur lâchait? Ne reste pas là comme ça, remue-toi Je n'osais même pas enlever mon manteau. je pris le trousseau de clés sur la table à côté du fauteuil monumental et m'apprêtai à quitter l'appartement. Je fermai, descendis les marches d'un pas énergique - pour me donner du courage? En tout cas, je ne voulais pas qu'on me vît passer devant la loge avec cet air de chien battu.
A peine dehors, le peu de courage que j'avais rassemblé s'était déjà évanoui. Je traversai la rue et collai mon visage contre la vitrine d'une quincaillerie. Elle donnait à voir les objets les plus inutilisables, me semblait-il, tant ils étaient désuets (...). Un Hadès.
  A coté c'était un fourreur. Juste derrière la vitrine il y avait, sur un chevalet, une gravure coloriée montrant une coquette en fourrure, j'en déchiffrai le titre: La Fourrure de la Truite. La fourrure de la truite?

Paul Nizon, La fourrure de la truite, Actes sud babel, 2006

vendredi 1 octobre 2010

Quand les poèmes dialoguent: Le roi de soie blonde et le désir de soie, Aurélia Lassaque et Sylvie Durbec


Lo rei de seda saura

 

Engana l’aucelum e tuteja l’aura.

Quilhat dins l’èrba salvatja

A perdut sos uèlhs

Raubats a la vèsta d’un soldat.

Tres gojats son venguts

Qu’an escampat sas tripas pel sòl

Per i prene qualque dròlla mal pintrada.

 

Privat de son còs de seda saura,

L’espaurugal

Fa de sòmis descabestrats

Que desvarian los aucèls.

 

 Le roi de soie blonde

 

Il trompe les oiseaux et il tutoie le vent.

Dressé dans l'herbe sauvage

Il a perdu ses yeux

Volés à la veste d'un soldat.

Trois jeunes hommes sont venus

Qui ont répandu ses tripes sur le sol

Pour y prendre quelque fille mal mise.

 

Privé de son corps de soie blonde,

L’épouvantail

Fait des rêves débridés

Qui égarent les oiseaux.

Aurélia Lassaque, Ombras de luna



 Un désir de soie blonde

la main retient la colline

et les jambes entrouvrent le fleuve

on le distingue à peine à cause que

sa chevelure empêche de voir

si elle est faite d'oiseaux mouvants

ou de pins balancés par le vent

 

on dit de lui que son corps est de soie blonde

 

moi je crois que sa peau a la douceur

de ce qui s'en va doucement de soi

emporté par le temps et qui - parfois -  

nous revient aux lèvres

un baiser une caresse et tout aussitôt

s'emporte au loin et chavire

la main ne retient rien

les jambes se déprennent

 

reste le chant

celui d'un désir de soie blonde

 Sylvie Durbec, Un désir de soie blonde