lundi 8 juin 2009


 

Etranger

 

 

Bafouillant des phrases incompréhensibles, il crache sur un passant, bouscule un policier, donne des coups de pied à deux gamins. On ne fait pas particulièrement cas de son état d’ivresse et il est interné pour une « psychose schizophrénique ».  Mais l’un des assistants qui rédige le rapport  doute que ses paroles soient de l’ordre du délire. « Il me semble, dit-il à ses collègues, qu’il parle une langue étrangère ». On appelle un linguiste universitaire. Il arrive trois jours plus tard. Après avoir échangé quelques mots avec l’interné qui, jusque là, s’était muré dans le silence, il demande à voir le médecin-chef.  Ils s’isolent pour parler à voix basse, jusqu’à ce que le consultant, d’un air bougon, déclare : « Cet homme s’appelle Joszef Anders. C’est un écrivain polonais. Quand vous l’avez interné, il devait être complètement saoul, mais ne disait rien d’étrange. Il m’a avoué qu’il avait l’habitude, pour se tenir compagnie, de réciter de la poésie. »

Joszef Anders a été libéré dans l’après-midi avec le diagnostic suivant : état anxieux aigu.

 Anime strane, de Marco Ercolani et Lucetta Frisa, trad. S.D

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