mercredi 11 novembre 2009

Faire la lumière, Jean Gabriel Cosculluela ce samedi 14 novembre à Boulbon


Faire la lumière

(extraits)

 

à  My, Clara et Alicia

 

Il reste de longues heures sur le talus à faire la lumière sur ce qui s’est passé. Dans un silence inouï. Il regarde le silence . Le talus est déjà affouillé sur les bords du lac.

 

Aucun des mots qu’il écrit ne tient en place. Il écrit depuis là où il est pour aller vers là où il n’est pas. Il n’y a pas d’envers ni d’endroit : la vie s’écrit avec la mort, et la mort avec la vie. La mémoire vit et meurt avec l’oubli. Il écrit pour trouver son absence et un peu de lumière.

 

Il est d’un lieu terreux où l’eau est venue lente, mendiante, recouvrir la terre, les chemins,  les maisons, sa maison. Où l’eau est venue sans adieu.

 

… / 

 

grains de blé et de silence.

 

Le village est affouillé dans la nuit de l’eau et de la terre. Dans le silence.

Le sable.

 

Où partir hors ce pays des morts où les mots ne reviennent qu’avec leurs premières lettres ? Où ? Le mot où vient à peine de commencer. Comme le mot sable. Il glisse entre les mains.    

 

C’est un mot, où, c’est un mot, sable, pour trouver son absence, glissant entre la terre cette couleur et la douleur d’aller chercher l’eau sous l’eau, la terre sous la terre,  le silence sous le silence quand il n’a que les premières lettres.

 

C’est un récit insupportable qu’il écrit pour intercepter, entrevoir quelques instants la lumière. Et faire la lumière.

 

Il se souvient maintenant de la dernière promenade qu’il fit ici avant la venue de l’eau, de la dernière conversation. Enfant.

Devant sa maison, affouillée,  il y a la marelle, il n’y a pas de paradis, il n’y a pas d’enfer. Il y a eau. Il y a terre. Il y a sable. Il y a silence. Il y a où. Où sauter dans la lumière ?

 

…/…

 

Il  y a maintenant un enfant dans cette marelle de premières lettres qui s’effacent presque.

 

Sous l’eau, sous la terre, sous le sable, sous le silence, avec le sable, la nuit est cristalline. Ne serait-ce que ce chant profond, esseulé. Pour faire la lumière avec l’absence et le vide.

 

Jean Gabriel Cosculluela

Faire la lumière

(Editions Atelier des Grames, 2009), avec des pastels de Thémis S/V

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