Une très belle expérience de lecture: L'Enterrement à Sabres, en édition bilingue, de Bernard Manciet.
Ici le poète lui-même se traduit et démontre que sa langue poétique n'est pas ce français trop abstrait et peu sonore qu'il utilise pour se traduire.
Et c'est deux lectures de son écriture qu'il nous propose, en nous faisant réfléchir à l'usage de la langue.
Bien sûr, le livre est énorme.
On l'emporte avec soi, tout écorné, rempli du sable de la mer, des coups de crayon pour interroger le texte. On le lit par éclats, fragment remplis d'une densité féroce qu'il faut à son tour retraduire pour s'approprier (un peu) la sauvagerie de la langue poétique.
On retrouve des bribes de la vieille langue et on se les remet à la bouche, pour mieux entendre le poème en français.
On pense à America solitudes de James Sacré, à Aurélia Lassaque que nous recevrons ce samedi à la Petite Librairie.
Clacassejatz e plauditz hemnis de tot ordre de mairam
e de barbots e esqurirots de la mar e sas tiretas
dab tot ço dont i chinca-chinca dehens e las cracas
broishas electronicas o pas - tant com ètz
lo darre numero: lo trin-tran de la nosta vielha
sons fastes soleta e n'i a pas digun autament
Dauna de lana dauna deus morts en pelha morta
perlas ribans pampiulas represas pedaç glaças
ahraga-citron-pintrada au pistolet e grana : lo porèr
acholada quilhada au truc de l'esclop de l'os...
Applaudisse coasse gent femelle dans toutes ses catégories
insectes et grelots de la mer avec ses tiroirs
et tout ce qui cahote dedans et les coquilles
et les sorcières électroniques ou non - femelles toutes ensemble
au dernier spectacle! la gigue de notre Vieille
ses fastes! elle est one woman show
Donne des landes Donne des morts en robe morte
perles rubans franges reprises rapiéçages glaces
fraise-citron - laquée au pistolet en grand: poulailler
accroupi redressé aux cadences osseuses...
On mesurera la distance instaurée par le traducteur entre le poème en occitan et la version française.
Exercice salutaire que seul pouvait mener Bernard Manciet, ici poète et traducteur de lui-même. S'y risque aussi Aurélia Lassaque. Nous ne manquerons pas de l'interroger à ce propos lors de sa venue à la Petite Librairie le 12 mars.
On rêve d'une poésie bilingue où chaque poète serait en mesure d'utiliser deux langues et de proposer dès lors deux versions d'une même écriture.
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